Toxiques

Un roman du réel poignant.

La journaliste exhume le parcours de la première victime française de cyberharcèlement, une jeune fille de Miramas lynchée sur les réseaux sociaux balbutiants, les blogs des radios et par l’opinion pour son rap maladroit posté sur YouTube en 2009. Comment ces trois mois ont ruiné la vie de Lovana, sans aucune possibilité de droit à l’oubli.

Le livre a, pourrait-on dire, de grandes qualités archéologiques, qui aident le lecteur à comprend cet univers si récent et si violent.

L’écriture de Suzanne Privat est très fine, très vivante et tenue. Elle déploie un roman grave sur la mécanique du harcèlement et de la méchanceté mais lumineux car il ouvre une nouvelle perspective sur un problème auquel nous sommes tous confrontés.

Le roman vrai de l’avènement d’une nouvelle ère, celle de la cruelle viralité et du cyberharcèlement.

Ici, il s’agit avant tout de prendre le pouls d’une époque, non de chercher des coupables afin de les punir : ce serait de toute façon comme s’attaquer à une hydre à mille têtes. Suzanne Privat a d’autres chats à fouetter, d’autres pistes à explorer ; et c’est très bien comme ça.

Tous ceux et celles qui ont un peu de mémoire reconnaîtront le bad buzz authentique derrière la fiction. Déjà très remarquée avec La Famille, Suzanne Privat fait bien plus que confirmer l’essai. Son récit est aussi bien écrit que passionnant, passant avec le même scalpel et la même focale de l’intime au très grand.

Toxiques fouille, avec une grande sensibilité de cœur et une parfaite technique littéraire, dans la cuve des polluants éternels, et en extirpe un squelette de faits divers que le livre va faire revivre, dans un grand geste embrassé d’amour et de deuil.

De cette plume si spéciale mêlant enquête et réflexions autour des plateformes numériques, Suzanne Privat nous entraîne dans le vortex vécu par Lovana et par tant d’autres après elle.